Les salariés de la « trappe à bas salaires »

ISRH, le 29.07.2024

L’édition 2024 de « Emploi, chômage, revenus du travail », élaborée par l’Insee et la Dares, détaille le sort des salariés à bas revenus salariaux sur près d’une décennie.  

Sortir de la trappe à bas salaires est difficile. L’édition 2024 du document de référence « Emploi, chômage, revenus du travail », élaboré par l’Insee et la Dares, apporte des données détaillées. Il apparaît ainsi que la moitié des salariés du secteur privé qui avait un revenu salarial faible en 2011 est toujours dans la même situation 8 ans plus tard.

En 2019, l’Insee classait parmi les salariés à bas revenus salariaux ceux percevant un revenu salarial annuel inférieur à 12.360 euros nets (soit 1.030 euros nets par mois en moyenne). À cette date, le revenu salarial annuel médian net était de 21.150 euros. L’enquête statistique montre que ce sont les femmes et les jeunes qui sont les plus concernés par les revenus salariaux faibles.

Ainsi, en 2019, près de 6 salariés sur 10 (57 %) ayant ce niveau de revenu sont des femmes alors qu’elles ne représentaient que 43 % de l’ensemble des salariés de 24 à 62 ans. Les auteurs expliquent cette situation par deux facteurs : elles occupent plus fréquemment des emplois à temps partiel et leur rémunération horaire est souvent plus faible. Si les femmes ayant de bas revenus salariaux sont majoritairement employées (62 %), les hommes dans la même situation sont plus fréquemment ouvriers (55 %).

Les métiers à bas salaires

L’étude liste les métiers qu’occupent les femmes ayant des salaires faibles. Par ordre d’importance, il s’agit de la vente et du commerce (11 %), du nettoyage pour les entreprises (9 %) et des métiers liés à l’aide à domicile (8 %). Chez les hommes, les principaux métiers sont ceux de cuisinier, commis de cuisine ou serveur (10 %) ; chauffeur routier, conducteur ou livreur (8 %) ; des métiers liés à la manutention et à l’entreposage (5 %) et à la sécurité (2 %).

C’est le métier d’agent de nettoyage qui est associé à une forte probabilité d’avoir des bas revenus salariaux (61 %), devançant de peu ceux d’aide à domicile, aide ménagère, travailleuse familiale (60 %), de serveuse, commise de restaurant (58 %), d’aide de cuisine, apprentie de cuisine et employée polyvalente de la restauration (57 %), d’employée d’étage et employée polyvalente de l’hôtellerie (55 %) ou encore d’animatrice socioculturelle et de loisirs (49 %). Les métiers dans la vente ou le commerce laissent plus de chance de sortir des bas salaires puisque le taux de bas revenus y est plus faible (40 % des vendeuses en alimentation, 34 % des caissières en magasin).

Les données statistiques montrent que les hommes sont moins mal lotis puisque l’association entre un métier spécifique et de bas revenus salariaux est moins forte, même si certaines professions présentent un risque élevé : 51 % de risques pour les serveurs, commis de restaurant, garçons non qualifiés d’être en bas revenus salariaux ou encore 50 % pour les aides de cuisine, apprentis de cuisine et employés polyvalents de la restauration. Si le risque est encore élevé pour les conducteurs livreurs (30 %) ainsi que les agents de sécurité et de surveillance (23 %), il est relativement faible pour les conducteurs routiers et grand routier (12 %).

Les facteurs favorisant les faibles salaires

Parmi les facteurs favorisant la faiblesse des revenus salariaux figure le temps partiel. L’étude élaborée par l’Insee et la Dares précise que le salaire horaire médian des salariés à bas revenus salariaux est nettement inférieur à celui de l’ensemble des salariés du privé : il ne dépasse par 9,5 euros nets contre 12,5 euros nets pour l’ensemble des salariés du secteur privé en 2019.

Près de 2 salariés à bas revenus sur 10 (19 %) perçoivent une rémunération proche du Smic horaire (jusqu’à 1,05 Smic horaire), contre 6 % de l’ensemble. Les calculs montrent qu’un salarié rémunéré en dessous de 1,05 fois le Smic horaire a une probabilité d’avoir un bas revenu salarial 1,6 fois plus élevée que celui rémunéré entre 1,05 et 1,3 Smic horaire. Inversement, toutes choses étant égales par ailleurs, un salarié rémunéré plus de deux fois le Smic horaire a cinq fois moins de risque d’avoir un bas revenu salarial que celui rémunéré entre 1,05 et 1,3 Smic horaire.

Enfin, la durée du travail joue aussi. Pour les salariés à faibles revenus, elle est particulièrement faible. En 2019, la moitié des salariés à bas revenus salariaux travaillent moins de 755 heures, contre 1.813 heures pour l’ensemble des salariés (une année complète à temps plein, soit 35 heures de travail hebdomadaire, représente 1.820 heures). L’étude précise que les salariés à bas revenus salariaux sont trois fois plus souvent à temps partiel (54 %, contre 17 % de l’ensemble) et que moins d’un tiers d’entre eux (32 %) sont salariés durant toute l’année alors que ce taux est plus de deux fois supérieur pour l’ensemble des salariés (71 %).

Où travaillent les personnes à faibles salaires ?

Les salariés à bas revenus salariaux se rencontrent d’abord dans les petites entreprises et les services. Près de 4 sur 10 (38 %) sont en activité dans des établissements de moins de 10 salariés qui ne rassemblent que 25 % de l’ensemble des salariés du privé. A contrario, les établissements de 200 salariés ou plus n’accueillent que 11 % de ce type de salariés alors qu’ils représentent 22 % de l’ensemble des salariés.

Par secteur, ce sont les services qui concentrent le plus de salariés à bas revenus. Ils comptent pour 38 % de l’ensemble des effectifs des services aux particuliers, 13 % pour ceux de l’hébergement‑restauration et des « autres services de type blanchisserie‑teinturerie, coiffure et soins de beauté, services funéraires, etc. ». Ils représentent plus du quart (26 %) des effectifs du secteur des services aux entreprises et de soutien, parmi lesquels se trouvent les activités liées aux ressources humaines, à la gestion de la paie et à la sécurité ou encore les services de nettoyage. Ils sont en revanche plus rares dans l’industrie (5 % de l’ensemble salariés à bas revenus alors que 17 % des salariés du privé sont dans cette situation) et dans la construction (5 %).

Emploi, chômage, revenus du travail (Insee et Dares, 2024).