Abandon de poste : la procédure et les étapes légales
Le 24 juillet 2024
Définition : qu’est-ce qu’un abandon de poste ?
Les conditions de l’absence du salarié
L’abandon de poste est une absence non justifiée, non autorisée, volontaire et prolongée.
Dans cette situation, votre salarié quitte soudainement son travail :
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sans raison apparente ou légitime ;
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et sans vous en informer.
Les conséquences en cas d’abandon de poste peuvent être préjudiciables pour l’entreprise dans la mesure où vous n’avez pas le temps d’anticiper et de remplacer le salarié absent.
Peu importe le type de contrat ou le moment du contrat, l’abandon de poste en CDD ou en CDI peut produire des effets, tout comme un abandon de poste pendant la période d’essai. En revanche, il convient de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un autre motif de rupture du contrat (rupture libre du contrat pendant la période d’essai après respect d’un préavis, rupture du CDD pour un CDI, etc.).
Pour le salarié, cette absence injustifiée peut conduire à la rupture du contrat de travail.
La durée de l’absence du salarié
Malgré la désorganisation de l’entreprise engendrée par l’absence d’un collaborateur à son poste de travail, il n’y a pas toujours abandon de poste. En effet, l’absence injustifiée, de courte durée, ne peut caractériser la volonté du salarié d’abandonner définitivement son poste de travail.
Dans un premier temps, il est donc important de rechercher les causes de l’absentéisme du salarié. Le non-respect de ses obligations contractuelles peut-il s’expliquer autrement que par la seule volonté du salarié de ne pas retourner travailler au sein de votre entreprise ?
Si votre collaborateur vous apporte une légitime justification et/ou qu’il reprend rapidement le travail, il ne s’agit pas d’un abandon de poste. Dans tous les cas, il faut attendre une absence minimale de 48 heures avant d’engager toute procédure.
Exemple d’abandon de poste
Les exemples d’abandon de poste sont nombreux en jurisprudence. C’est le cas par exemple du salarié qui ne reprend pas son poste le lendemain, sans vous avertir et sans justifier son absence, ou encore celui qui ne revient pas après une période de congés payés.
Prenons l’exemple d’une affaire pour y voir plus clair. À la suite d’une altercation avec un proche de la gérante d’une station d’entretien de véhicule, un salarié a précipitamment quitté son poste en début d’après-midi. Laissant la station sans la présence d’un autre salarié, il n’a pris aucune précaution lors de son départ (éteindre la lumière, fermer les locaux contenant les recettes en espèces de l’entreprise, etc.).
Selon le juge, et en présence des éléments de preuve mis à sa disposition, le comportement du salarié constituait bien un abandon de poste, caractérisant une violation des obligations du contrat de travail (1) (il est à noter que cet arrêt a été rendu avant la réforme de l’abandon de poste et des délais à respecter par l’employeur).
Procédure étape par étape : comment faire face à un abandon de poste ?
1. Attendre 48 heures puis envoyer une mise en demeure de reprendre le travail
Tout d’abord, il convient d’attendre un délai raisonnable de 2 jours à compter du début de l’absence, avant d’envoyer la mise en demeure (vérifier ce que prévoit le règlement intérieur et la convention collective).
Si vous n’avez toujours pas de nouvelle de votre salarié dans les 48 heures, alors il peut potentiellement s’agir d’un abandon de poste.
2. Quand envoyer une lettre de mise en demeure ? Modalités et modèle de lettre
Passé 48 heures, la deuxième étape consiste, pour l’employeur, à envoyer une mise en demeure au salarié, par lettre recommandée ou par remise en main propre contre décharge.
L’objectif de la mise en demeure consiste à demander au salarié de :
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justifier de son absence ;
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reprendre son poste dans le délai imparti (qui ne peut pas être inférieur à 15 jours pour la présomption de démission).
Le salarié étant absent, la remise en main propre n’est pas toujours la solution la plus pratique comparée à la lettre recommandée.
3. S’assurer du fait qu’il ne s’agisse pas d’un motif légitime
Toutes les absences ne sont pas des abandons de poste, c’est notamment le cas dans les situations suivantes :
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consultation en urgence d’un médecin, justifiée par l’état de santé du salarié (2) ;
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décès d’un proche ;
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exercice du droit de retrait (3) ;
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exercice du droit de grève (4).
Par exemple, il est possible qu’un salarié victime d’un accident ou d’une maladie ne soit pas en état d’informer immédiatement son employeur de son absence. Il est donc important de ne pas se précipiter et de vérifier si le salarié présente un motif légitime d’absence. Dans notre exemple, il est probable que dans un tel cas, le salarié soit ensuite déclaré en arrêt maladie et que son absence ne soit, en conséquence, pas assimilable à un abandon de poste (5).
4. Respecter un délai de 15 jours après la mise en demeure, pour que le salarié soit présumé démissionnaire
Après la mise en demeure, l’employeur reste libre d’exercer son pouvoir disciplinaire ou de préférer faire jouer la présomption de démission.
Un seul courrier suffit pour que la démission soit présumée, à l’expiration du délai de 15 jours.
À la réception de la lettre de mise en demeure de justifier ses absences, le salarié doit informer l’employeur de son intention de reprendre le travail ou non. Par ailleurs, le salarié peut se prévaloir auprès de son employeur d’un motif légitime de nature à faire obstacle à la présomption de démission (se reporter à notre dossier complet) (6). Dans ce cas, le Code du travail prévoit un formalisme strict qu’il doit respecter.
À défaut de réponse à l’issue du délai de 15 jours calendaire, le salarié sera présumé démissionnaire.
5. Quelle est la nouvelle présomption de démission établie par la loi ?
Depuis le 19 avril 2023, le salarié en abandon de poste est présumé démissionnaire.
Traditionnellement, la démission du salarié est censée résulter d’une volonté claire et non équivoque.
En revanche, ici, le Code du travail prévoit que le salarié qui n’a pas repris son poste de travail avant l’expiration du délai imparti par l’employeur, est présumé démissionnaire (7).
L’idée, pour le législateur, est de mettre un frein à une pratique qui consistait, pour le salarié, à ne pas démissionner, mais à abandonner son poste, dans l’objectif d’être licencié et de percevoir ensuite les allocations chômage pour privation involontaire d’emploi.
6. Contestation possible devant le conseil de prud’hommes
Par le salarié
Le salarié dispose d’un délai légal maximum pour contester et renverser cette présomption (absence due à l’usage du droit de retrait, du droit de grève, procédure de mise en demeure non respectée, comportement de l’employeur, etc.).
L’affaire est portée directement devant le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes (CPH) : il n’y a pas la phase préalable, normalement obligatoire, de l’audience de conciliation permettant de trouver une solution amiable. Le Conseil statue sur la nature de la rupture du contrat de travail et ses conséquences.
À noter : l’abandon de poste ne doit pas découler d’un comportement fautif de l’employeur. Si tel était le cas, le salarié pourrait faire produire les effets d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. La rupture du contrat de travail pourrait être ainsi qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou de licenciement nul.
Par l’employeur
Du côté de l’employeur, le bénéfice de dommages et intérêts en raison de l’abandon de poste du salarié n’est pas automatique.
Pour obtenir une telle compensation, l’employeur doit prouver une intention du salarié de nuire à l’entreprise, intention qui ne résulte pas de sa seule absence injustifiée.
Quelles sont les conséquences de la présomption de démission pour les indemnités chômage du salarié ?
Le salarié présumé démissionnaire ne perçoit pas, au terme de son contrat de travail, les allocations chômage versées par France Travail (aide au retour à l’emploi, dite ARE) puisque la démission est considérée comme une privation volontaire d’emploi.
Comme nous l’avons vu, il s’agit justement de l’objectif recherché dans le cadre de la réforme relative au « plein emploi » : limiter les départs volontaires « déguisés » sous forme de licenciement ouvrant droit aux allocations chômage.
Salarié de retour avant le délai imparti : est-il possible de sanctionner l’absence injustifiée via une procédure disciplinaire ?
L’absence injustifiée du salarié n’est pas forcément synonyme de rupture du contrat de travail. En revanche, en vertu de son pouvoir disciplinaire, l’employeur peut sanctionner cette absence s’il le considère nécessaire, et peut, dans les cas les plus graves, prononcer un licenciement.
Une sanction nécessairement prévue par le règlement intérieur
Le salarié qui reprend son activité avant l’expiration du délai prévu dans la mise en demeure, n’est pas présumé démissionnaire, mais l’employeur peut user de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner la faute résultant du défaut de justification de son absence.
Attention : avant d’envisager de le sanctionner, pensez toutefois à prendre en considération des éléments objectifs et subjectifs tels que l’ancienneté du salarié, son attitude irréprochable ou compliquée, etc. En effet, si l’employeur est libre d’user de son pouvoir disciplinaire ou non, il doit cependant veiller à ce que la sanction choisie soit proportionnée à la faute du salarié (durée de l’absence, contexte de l’absence, comme un burn-out par exemple, etc.).
Par principe, la sanction envisagée doit être prévue par le règlement intérieur de l’entreprise, obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus.
Exemples :
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le blâme ;
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l’avertissement ;
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ou encore la mise à pied.
Si la sanction n’est pas prévue par le règlement intérieur, il est tout de même possible, pour l’employeur, de procéder à un licenciement disciplinaire.
Rappel : il est obligatoire, pour les entreprises de 50 salariés ou plus, d’avoir un règlement intérieur. Il reste facultatif pour les entreprises ayant un effectif inférieur (8).
Respect de la procédure disciplinaire
Si vous envisagez de prendre à l’encontre du salarié une sanction lourde, vous devez le convoquer à un entretien préalable.
Par exemple, dans le cadre d’un licenciement disciplinaire, la convocation à l’entretien préalable de licenciement doit être adressée au salarié, par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai 2 mois suivant la connaissance du fait fautif (9). Ce délai est applicable aux autres sanctions. Il est à noter que des poursuites disciplinaires sont possibles au-delà de ce délai, lorsque le comportement fautif du salarié (en l’occurrence l’absence injustifiée) perdure depuis plus de 2 mois, mais plus l’employeur tarde à agir, moins la faute grave se justifie.
Exemple : un délai de 6 semaines a pu être considéré par les juges comme étant trop long pour invoquer la faute grave (10).
Quelles sont les conséquences sur le salaire en cas d’abandon de poste ?
Tant que l’absence du salarié n’est pas justifiée (maladie, accident, etc.), le contrat de travail est suspendu.
De ce fait, la rémunération du salarié est suspendue elle aussi. En effet, pour rappel, la rémunération du salarié est due en contrepartie du travail accompli. Lorsque son absence n’est pas justifiée, la contrepartie n’est donc pas due.
Attention : les périodes de suspension du contrat de travail ne permettent pas non plus au salarié d’acquérir des congés payés. Il ne s’agit pas de temps asssimilé à du travail effectif.
L’abandon de poste représente donc une perte de revenu pour le salarié. S’il souhaite bénéficier des allocations chômage, d’autres solutions existent, comme la négociation d’une rupture conventionnelle ou la démission pour motif légitime (ex : un déménagement pour suivre son conjoint).
Quelles sont les obligations de fin de contrat à respecter après un abandon de poste ?
Classiquement, au terme du contrat, l’employeur est tenu de remettre au salarié les documents de fin de contrat :
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un certificat de travail ;
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un reçu pour solde de tout compte (dont les indemnités compensatrices de congés payés) ;
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une attestation employeur destinée à France Travail.